De jeudi à dimanche, les Verts européens étaient réunis à Montreuil, en Seine-St-Denis. Dominique Voynet, maire de la ville, les accueillait et prononçait le discours d'ouverture, dont nous publions ici quelques larges extraits et qu'on trouvera en intégralité sur son blog.
---
Mesdames, messieurs, Chers amis, chers camarades,
Bienvenue à Montreuil, bienvenue en Seine saint Denis,
Vous êtes ici chez vous, dans un département que les commentateurs considèrent comme un des plus pauvres d’Europe, et que nous considérons, nous, comme l’un des plus porteurs d’innovation sociale, écologique et démocratique.
Vous êtes ici dans une ville de 105 000 habitants, qui fut un gros bourg horticole aux portes de Paris avant de devenir une ville industrieuse, ouvrière, populaire, une ville gérée pendant 70 ans par le Parti Communiste Français, et où des pages importantes de l’histoire de ce parti ont été écrites. Montreuil, ce n’est pas dans l’imaginaire de ce pays, dans l’histoire de la gauche, n’importe quelle ville. Que ses habitants aient confié il y a six mois à une militante écologiste et à son équipe bigarrée – des Verts, des socialistes, des citoyens - le soin de commencer à reconstruire l’espérance et l’avenir, n’est pas juste un caprice du hasard.
Montreuil, ville de banlieue aux portes de Paris, a payé et paie encore l’addition d’une conception débile du progrès humain, hélas largement partagée dans la seconde moitié du 20 ème siècle : un urbanisme brouillon et brutal, des sols pollués, une autoroute qui coupe la ville en deux, des grands ensembles de bureaux, des zones industrielles bâclées, et 38 % de logements sociaux, concentrés dans des quartiers mal desservis par les transports en commun. Mais aussi des ateliers d’artistes par centaines, des friches artisanales, des jardins biscornus, des toits de verre et d’acier, des parcs sauvages, où font halte les oiseaux migrateurs, des lieux atypiques qui continuent à attirer plasticiens, écrivains et cinéastes.
(...)
Nos peuples ont eu la paix sur leur propre continent, ils ont vu se créer le grand marché, avec ce que cela supposait de remises en question et d’efforts, ils ont constaté, s’agissant en tout cas des Français, que souvent l’Europe les tirait en avant en matière d’environnement.
Mais depuis quelques années, ils ressentent une panne d’Europe : ils n’aperçoivent ni progrès politique, ni convergence fiscale, ni politiques sociales communes.
Et l’horizon mondial s’assombrit de menaces de conflits et de montée du terrorisme, dont l’alliance des 27 ne semble plus les protéger vraiment.
Certes, les gauches en Europe, c’est peu de le dire, n’ont pas été toujours à la hauteur de leurs responsabilités.
Mais depuis 10 ans au moins, les droites européennes au pouvoir, en rupture avec le projet initial, s’acharnent à détruire le compromis fondateur de l’espérance continentale.
(...)
Alors nous sommes inquiets et nous pouvons légitimement nous demander si la construction européenne n’est pas atteinte jusque dans ses fondements par l’alignement systématique des gouvernements de droite sur un autre modèle que le modèle européen.
Il est donc temps de nous ressaisir et d’agir pour que l’Europe se ressaisisse.
La crise actuelle peut générer bien des replis populistes ou nationalistes.
Elle peut aussi, et elle doit aussi être l’occasion pour tous les peuples, si nous nous faisons entendre, de reprendre cette marche en avant commune.
(...)
C’est pourquoi l’essentiel aujourd’hui n’est certainement pas à mes yeux de faire renaître la confiance dans la solidité d’un système financier non seulement moralement scandaleux mais de plus profondément anti-économique…
L’essentiel est de s’attaquer à la refondation d’un projet global de transformation en commençant en Europe.
Voilà pourquoi la campagne électorale du printemps est si importante, voilà pourquoi votre réunion de ces jours ci à Montreuil est tellement attendue.
La situation dans chaque pays est particulière et je me félicite que les Verts s’efforcent, au Parlement européen, de construire au cas par cas les majorités d’idées qui sont nécessaires pour résister aux mauvais vents qui soufflent.
Vous devez cependant savoir qu’il n’en est pas ainsi chez nous.
Nous faisons face en France comme en Italie, à l’un des gouvernements de droite les plus décomplexés d’Europe, à l’un des agents les plus actifs des lobbies anti-écologistes.
A l’un de ceux qui a décidé de s’attaquer avec la détermination la plus acharnée à l’Etat providence, à la sécurité sociale, au pluralisme de la presse, aux droits des travailleurs migrants, aux politiques sociales des collectivités locales.
A un gouvernement qui s’est fait le VRP mondial du nucléaire, qui continue malgré les beaux discours, à appeler à la condamnation des militants de la lutte contre les OGM.
Voilà pourquoi la campagne européenne en France, que nous mènerons activement avec Dany, sera clairement ancrée à gauche et antigouvernementale.
La gauche traditionnelle est, chez nous comme dans bien des pays européens, en grande difficulté : elle n’est pas parvenue, pas encore, à mettre les grandes questions écologiques au cœur de ses raisonnements, et à aller au delà de la revendication d’une simple régulation de l’existant.
Mais entre une gauche velléitaire et une droite meurtrière, les écologistes en France ont fait leur choix il y a 20 ans et ils ne reviendront pas en arrière.
Il fallait que cela fut dit, quand certains – pas moi, pas vous ! - semblent tentés par un « grand n’importe quoi » sans valeurs et sans principes, qui permettrait, au prix d’une révision de l’histoire et sur la base du rapport de forces d’un instant, de faire élire quelques camarades, d’obtenir quelques concessions périphériques sur tel ou tel dossier environnemental, et de disputer aux Verts français l’espace de l’écologie politique.
Assez parlé de la France ! Et revenons à l’Europe. Tant que notre opinion publique considérera que l’Europe, l’Europe telle qu’elle est aujourd’hui, est l’instrument privilégié des politiques de régression, alors les adversaires de l’Europe en général joueront sur du velours.
Telle est la très amère expérience qu’ont fait chez nous les partisans, dont j’étais évidemment, du « oui » au référendum sur la ratification du traité constitutionnel européen.
Pour qu’émerge, dans le contexte de crise, une alternative véritable au modèle dont nous constatons aujourd’hui les soubresauts, nous devons donc porter au cœur de la bataille, contre les archéo-libéraux et les conservateurs, le projet d’une Europe sociale, écologique, démocratique forte.
Je suis bien certaine que les réflexions et le programme qui sortiront de ces journées iront dans ce sens là.
Nous sommes heureux à cette occasion d’apprendre de vous, d’échanger avec vous, de renforcer notre solidarité dans les combats communs.
Merci et bon travail.
Commentaires
Vous pouvez suivre cette conversation en vous abonnant au flux des commentaires de cette note.