Le consensus est acquis, au sein des Verts, tant sur le rassemblement des écologistes que sur la nécessité du dépassement du parti tel qu'il est. Tant mieux : des écologistes plus forts, un mouvement qui grandit et s'ouvre enfin, c'est ce que nous voulions. Si cette question n'est plus un débat, mais une orientation partagée, notre discussion doit porter plus loin. Allons à l'essentiel : inutile de réciter ici le programme des Verts, sur lequel nous sommes déjà tous d'accord. Ce que nous proposons, c'est non seulement de créer la surprise en 2009, mais d'être dès maintenant, et pour 2012, les inventeurs les plus audacieux d'une majorité, à gauche, transformée par l'écologie.
Le vingtième siècle est derrière nous. Notre temps est celui des crises globales : parce qu'elles touchent aussi bien le climat que la finance, la sécurité énergétique et alimentaire, le vivant et les symboles. Lorsque s'effondrent les grandes banques américaines, lorsque la faillite menace General Motors, un monde s'écroule avec elles, signifiant à la fois l'ampleur des bouleversements en cours et le prix à payer pour avoir refusé d'anticiper les changements. Crises globales, parce qu'elles s'étendent à la planète entière, dont les limites apparaissent chaque jour plus étroites. Les ajustements à la marge n'opéreront plus : la solution tient dans une mutation conséquente de nos manières d'habiter et de voir notre monde.
Nous ne sommes pas démunis. L'époque porte ses menaces, mais aussi des chances à saisir : la « révolution conservatrice », née il y a trente ans aux Etats-Unis avant de submerger le monde, vit une crise sans précédent. L'élection présidentielle américaine, sur laquelle sont braqués les yeux du monde, l'illustre : il s'y exprime l'exigence d'un puissant retour de la régulation.
Beaucoup est encore possible, et le pire n'est pas certain. Mais si nous voulons faire des crises un point d'appui vers un avenir soutenable, et non le prélude à de terribles conflits, nous devons voir combien les défis sont immenses. En France, la situation politique n'est plus celle d'il y a dix ans, lorsque la gauche gouvernait et que les Verts passaient pour être les artisans de sa modernisation. La gauche est atone, on doute de l'utilité des Verts. L'aspiration au volontarisme politique a été captée en 2007 par Nicolas Sarkozy. Elle a été déçue, mais rien n'indique que la gauche et les écologistes soient capables, en l'état, de transformer cette déception en un désir d'alternative susceptible d'emporter demain les élections nationales, et non les seules élections locales.
L'écologie politique ? L'avenir, si nous en avons l'audace
Nos alertes et nos diagnostics font désormais consensus. Il n'est plus une conférence internationale, plus un agenda gouvernemental, qui n'affiche l'objectif de lutter contre le dérèglement climatique. Cette unanimité cache mal la modestie des moyens mis en oeuvre, sous-tendue par la tentation de ne rien changer d'essentiel. Entreprises et élus, économie et publicité, droite et gauche s'écologisent, c'est vrai. Mais toujours avec un retard persistant sur les crises : ayant à peine pris la mesure de l'enjeu climatique, ils n'anticipent pas encore l'autre choc, celui de la biodiversité et d'une extinction massive des espèces vivantes. Le travail d'alerte et de pédagogie du changement reste à faire, tant demeure vif l'espoir de solutions magiques, du nucléaire aux agrocarburants.
Notre lucide vision planétaire ne doit pour autant pas nous éloigner de la réalité immédiate. Pour beaucoup, la crise énergétique est d'abord un casse-tête économique : pour se chauffer, se déplacer, pour faire face. Une souffrance qui s'ajoute à d'autres, au chômage, à la précarité, au déclassement. Une écologie audible de tous, une écologie populaire, doit porter la promesse de vivre mieux, ne pas sacrifier le présent aux nécessités de l'avenir.
Nous pouvons être force de proposition, même là où on nous attend le moins. Nous pouvons forger de nouveaux compromis sociaux, conciliant l'intérêt général et les revendications catégorielles de tous ceux - agriculteurs, pêcheurs, transporteurs - dont les métiers, les savoir-faire et les vies sont bouleversées, et qui paient la facture des années d'imprévoyance publique.
Nous pouvons affirmer que l'écologie appliquée, ça fonctionne déjà, dans tant de villes et de régions, grâce aux élus Verts. Et ça ne coûte pas plus cher : l'efficacité budgétaire naît des réformes portées par les écologistes.
Nous devons nous interdire, dans nos propres débats, les postures maximalistes qui ne durent que le temps des congrès ou les surenchères dans la récitation comparée de nos « fondamentaux ». Notre époque appelle des réponses neuves, qui ne sont pas toutes gravées dans le marbre de nos programmes. Nous devons prendre de la hauteur. C'est ce que veulent ceux de nos concitoyens qui partagent notre désir d'écologie et nous voudraient plus forts, plus soudés, meilleurs.
Rassembler le peuple de l'écologie et changer la gauche, une même ambition
C'est la belle idée portée par Dany Cohn Bendit : la mutation exige le dépassement des Verts, leur ouverture à d'autres acteurs de l'écologie. La réussite de notre dynamique européenne sera, pour les Verts, la possibilité d'être le creuset d'une grande formation de l'écologie, plus forte et plus large, marquant une nouvelle étape de notre histoire. Le Grenelle de l'environnement (après l'élection présidentielle où notre candidate avait été de loin la mieux « notée » par les associations écologistes) a rappelé la proximité des solutions proposées par les Verts et par les écologistes associatifs. Sur le terrain, les Verts travaillent déjà avec les bâtisseurs de l'écologie du quotidien : entrepreneurs et militants de l'économie solidaire, des énergies renouvelables et des mobilités alternatives, de la relocalisation des activités, de l'économie de l'environnement... C'est pourquoi nous proposons la création de « Parlements régionaux de l'écologie » réunissant ces acteurs, dans les territoires où se joue, aussi la mutation des Verts.
Elle se fera aussi par l'Europe, premier espace où se nouent et se dénouent une grande part des enjeux qu'on croit encore nationaux. L'avenir de l'Europe est incertain, l'ambition européenne elle-même fragile. Notre responsabilité sera d'autant plus grande, si nous voulons convaincre, avec le parti vert européen, que l'Union peut, au delà du débat institutionnel, aider les citoyens d'Europe à bâtir un avenir différent.
Mais notre réflexion ne peut pas s'arrêter en 2009. Le rassemblement mobilisera d'autant mieux les électeurs qu'il créera les conditions d'une offre politique nouvelle, engagée à la transformation écologique et sociale de notre pays. Les Verts doivent donc clairement indiquer que la construction d'une alternative pour 2012 commence aujourd'hui.
La gauche traditionnelle n'est guère moins productiviste qu'avant, et se montre incapable de porter une autre vision du développement économique, de l'éducation, de la protection sociale, adaptée à la nouvelle donne écologique. C'est pourtant avec ces partenaires que nous devrons construire des majorités nouvelles.
Il nous reviendra de transformer, de renouveler, d'écologiser vraiment la gauche, partout où cela est possible, chaque fois que possible. Le combat mené et gagné à Montreuil et dans d'autres villes montre que lorsque nous en avons l'énergie et la force d'esprit, nous pouvons être bien plus que des aiguillons ! Une victoire en 2012 suppose le renforcement des écologistes et, dans le même mouvement, la transformation de la gauche.
Il ne s'agit pas de rendre les Verts « socialo-compatibles », il s'agit de refonder une gauche transformée par l'écologie.
2009 - 2012 : trois ans pour changer la donne
La prochaine équipe de direction des Verts devra réussir les élections européennes, mais aussi préparer et organiser notre action aux élections régionales (2010), cantonales et sénatoriales (2011), présidentielle et législatives (2012). Cet agenda conséquent exige un ambitieux plan d'action.
- Pour réussir les européennes, les énergies du parti seront mobilisées dans les comités locaux et le comité de campagne ;
- Une Convention pour l'écologie politique confirmera notre volonté d'une coopération durable avec les réseaux associatifs, civiques et intellectuels. Elle se pérennisera dans des Parlements régionaux de l'écologie. Le Conseil politique sera notamment chargé de revivifier et d'élargir la Fondation René Dumont ;
- La réforme du fonctionnement sera poursuivie : pour faciliter l'adhésion, rationaliser les pôles de compétence, porter de véritables campagnes, améliorer notre communication, donner enfin aux régions les moyens de faire grandir les Verts, et consacrer l'essentiel de nos moyens à notre action vers l'extérieur ;
- La stratégie pour les élections régionales et cantonales sera arrêtée par les adhérents dans chaque région au vu du bilan des équipes élues en 2004, au vu aussi du résultat des élections européennes et du changement éventuel de mode de scrutin ;
- Pour réussir l'alternance en 2012, les Verts prendront l'initiative de débats publics avec leurs partenaires, dès après les élections européennes. Notre objectif est de mettre l'écologie au coeur d'un projet commun de gouvernement et de construire une alliance gagnante pour les législatives et l'élection présidentielle, incluant le débat sur la possibilité de primaires ouvertes aux citoyens.
Dans une période marquée par la crise économique, où les questions écologiques pourraient passer au second plan, l'unité des Verts sera plus que jamais requise.
Nous croyons à l'avenir d'un grand parti écologiste en France, comme il en existe dans d'autres pays d'Europe. Le changement est possible en 2012. Nous sommes convaincus que plus les Verts seront forts, plus nous pourrons transformer la gauche, plus ce changement sera possible. Pour réussir, soyons ouverts, audacieux et imaginatifs !
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